La copropriétéune réforme s’annonce
LÉLIANE VILLENEUVE– Au Québec, de plus en plus de ménages choisissent la copropriété divise comme mode d’accession à la propriété. Depuis 1969, année où l’on importa cette formule de la France, on remarque une croissance constante de son importance au sein du parc immobilier québécois. Depuis quelques années, les principaux acteurs du milieu immobilier se questionnent sur la pertinence de resserrer les règles de la copropriété afin de mieux protéger les propriétaires. C’est dans ce contexte qu’en 2009, le ministre de la Justice confiait à un Groupe de travail le mandat de formuler un rapport contenant des recommandations relatives à la tangente que devrait prendre le droit de la copropriété dans le futur.
« D’ici 2016, on prévoit qu’environ 266 000 ménages québécois vivront en copropriété », annonçait le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, Jean-Marc Fournier, dans le cadre d’une conférence de presse tenue le 19 février dernier. Les spécialistes en la matière sentent un besoin de plus en plus pressant de revisiter différents aspects de la copropriété afin d’éviter à plusieurs milliers de ménages de mauvaises surprises suite à l’acquisition de leur résidence. Dans cette optique, la Chambre des Notaires du Québec a mis sur pied, en juillet 2009, le Groupe de travail sur la copropriété, lequel est issu de plusieurs discussions entre le président de la Chambre des notaires du Québec alors en poste, Me Denis Marsolais, les représentants de la Ville de Montréal et les représentants de la Société d’habitation du Québec.
L’objectif premier de ce Groupe de travail était de faire certaines recommandations au Gouvernement du Québec pour assurer une meilleure protection du public en matière de copropriété. En mars 2011, il soumettait un rapport au ministre de la Justice, lequel contenait le résultat des consultations et discussions des membres du Groupe avec divers organismes concernés, tels que l’Association de la construction du Québec, l’Association des syndicats de copropriété du Québec et l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. La première partie du rapport traite des questions entourant l’achat d’une copropriété et la seconde partie porte sur le fonctionnement d’une copropriété.
Combattre le manque d’information…
Pour qui n’est pas un érudit en droit de la copropriété, l’achat d’un appartement assujetti à ces règles peut s’avérer complexe. Au delà de la désuétude de certaines dispositions légales applicables, le manque d’informations utiles aux acquéreurs d’une fraction de copropriété demeure un problème majeur, selon le Groupe de travail. C’est pourquoi le Groupe souligne l’importance de familiariser ces acquéreurs avec ces règles et de faciliter l’accès à l’information sur les immeubles dont ces derniers s’apprêtent à faire l’acquisition.
Sur la surveillance des travaux :
À cet effet, le Groupe de travail rappelle, entre autres, que la surveillance des travaux par un professionnel pendant la construction d’un immeuble n’est pas obligatoire et on ne tient pas toujours compte de cette réalité dans des plans de garantie adéquats ou complets qui viseraient à protéger les propriétaires contre certains vices de construction éventuels. En outre, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne s’applique pas aux immeubles non neufs transformés en copropriété ou encore à ceux comportant plus de quatre parties privatives superposées. Dans ces cas, certains constructeurs offrent aux acquéreurs une garantie conventionnelle, dont le contenu est laissé à l’entière discrétion des parties.
On constate toutefois que la présence de ces deux plans de garantie confond la plupart des acquéreurs et leur procure un faux sentiment de sécurité, puisque la plupart des constructeurs ne se font pas un devoir de leur expliquer le contenu du plan qu’ils proposent.
Les membres du Groupe de travail soulignent que, bien qu’ils privilégient l’étendue de la garantie obligatoire à tous les immeubles, ils sont conscients de l’excès de coûts que cette mesure pourrait entraîner. À défaut d’en arriver à cette solution, ils indiquent qu’il est primordial que certaines mesures soient prises afin d’éviter la confusion chez les acheteurs de résidence en copropriété entre les plans obligatoires et les plans conventionnels de garantie. Ils indiquent aussi l’importance d’explorer la possibilité d’imposer la surveillance des travaux sur les chantiers, proposition accueillie chaleureusement par l’Ordre des architectes.
Sur l’immeuble convoité :
Les futurs copropriétaires doivent avoir en main un minimum d’informations sur l’immeuble qu’ils convoitent. Le Code civil du Québec prévoit l’obligation pour les constructeurs ou les promoteurs, dans le cas de vente de copropriétés de 10 logements et plus, de fournir une note d’information à leur acquéreur, laquelle précise le nom des architectes, des ingénieurs, le budget prévisionnel incluant des informations sur les taxes foncières et autres charges, etc.
À cet égard, le Groupe de travail critique, d’une part, le fait que telle obligation ne soit prévue que pour les immeubles de 10 logements et plus et, d’autre part, que la loi ne prévoit quasiment aucune sanction pour les réfractaires. Sur ce point, le Groupe propose que si, à la suite d’une vente faite sur la base d’une note d’information comportant des erreurs ou des lacunes ou faite carrément sans note d’information, l’acquéreur subit un préjudice, qu’il y ait possibilité d’une réduction du prix de vente, de l’obtention de dommages-intérêts, allant même jusqu’à l’annulation de la vente.
Dans le cadre d’une transaction d’achat d’une unité détenue en copropriété, le Code civil du Québec, aux termes de son article 1069, permet à l’acquéreur de vérifier si le vendeur doit des arrérages au syndicat de la copropriété relativement aux charges communes afférentes à l’unité faisant l’objet de la vente. En vertu des règles applicables, le syndicat est dans l’obligation de répondre dans les 15 jours suivant la demande, à défaut de quoi le nouveau propriétaire ne peut être tenu responsable de rembourser ces arrérages.
Bien que l’on puisse saluer la présence de cette obligation, tel que le soulève le Groupe de travail, le devoir du syndicat ne se limite qu’à répondre à la demande d’état des charges communes, alors que bien d’autres questions mériteraient d’être posées à ce dernier, afin de permettre à un acquéreur de faire un achat éclairé – Existe-t-il des cotisations votées mais non encore exigibles ? Quel est le montant accumulé dans le fonds de prévoyance ? Y a-t-il des règlements adoptés et consignés aux registres de la copropriété qui n’apparaissent pas à la déclaration de copropriété ? Le notaire averti s’assure de faire une demande exhaustive au syndicat, laquelle contient une multitude de questions pertinentes de ce type. Toutefois, tel que précisé par le Groupe de travail, les gestionnaires de syndicat de copropriété refusent plus souvent qu’autrement de répondre à ces questions, et le copropriétaire vendeur n’est pas toujours en mesure de le faire à leur place ou ne le fait pas toujours de façon tout à fait honnête ou limpide. Au surplus, même s’il obtient une réponse, le client acheteur est souvent déjà lié par une offre d’achat. Le cas échéant, il est trop tard pour apporter les correctifs nécessaires.
Afin d’éviter aux futurs copropriétaires d’être confrontés à de telles situations, le Groupe de travail propose d’inclure dans la promesse d’achat de toute fraction de copropriété une clause prévoyant un délai de sursis de 10 jours dont disposerait l’acheteur pour procéder aux vérifications qu’il juge nécessaires. Du coup, le Code civil du Québec devrait être plus large à l’égard des informations devant être divulguées aux acquéreurs potentiels et prévoir l’imposition de sanctions au syndicat qui demeure silencieux devant les questionnements de ces derniers. Voilà qui engagerait les gestionnaires de manière plus formelle à répondre au besoin de prise de connaissances des différents aspects de la copropriété, étape cruciale dans le processus décisionnel de l’achat d’une résidence.
Sur le budget nécessaire :
Enfin, on souligne au passage les recommandations faites par le Groupe de travail, relativement à la responsabilisation des promoteurs en ce qui a trait à l’insuffisance du budget présenté dans la note d’information aux acquéreurs. Les nouveaux copropriétaires établissent leur budget familial à être consacré à leur contribution au fonds de prévoyance à la lumière des données fournies par le promoteur au moment de leur achat. Or, presqu’à tout coup, remarque-t-on, les prévisions budgétaires du promoteur sont nettement en deçà de ce qui s’avère nécessaire.
La solution selon le Groupe de travail : l’inclusion au Code civil du Québec d’une disposition obligeant le promoteur à rembourser au syndicat le double de la différence entre les dépenses et les contributions au fonds de prévoyance prévues à la note d’information et les dépenses et contributions au fonds de prévoyance réellement engagées au cours d’un exercice financier donné.
Une consultation populaire
Le Gouvernement du Québec invite la population à prendre part aux 5 journées de consultations publiques qui auront lieu à Montréal (29-30 mars et 13 avril 2012) et à Québec (15-16 mars 2012). Les Québécois concernés pourront relater des situations qu’ils ont vécues comme acquéreur ou vendeur d’une fraction de leur copropriété. Cette consultation citoyenne sera parrainée par la Chambre des Notaires du Québec et devrait aboutir à un rapport final pour le début du mois de juin 2012 et, possiblement, au dépôt d’un projet de loi à l’Assemblée Nationale dès l’automne prochain.